Le saviez-vous N°186
Kesako le blurring ?
Quel est encore ce mot anglais qui déboule dans notre quotidien professionnel ?
Le verbe anglais « to blur » signifie "estomper", "effacer" voire "flouter". . Le blurring signale que la frontière entre vie privée et professionnelle s'estompe, que les domaines du travail et du "perso" deviennent flous.
Cette montée en puissance d’une frontière poreuse entre notre vie professionnelle et personnelle ne date pas d’aujourd’hui, c’est pour certains un facteur de stress, de "technostress»….
Rappelez-vous l’article sur le technostress !
Le sociologue Yves Lasfargue l’appelle l'ergostressie (stress au travail né des nouvelles technologies), dans son ouvrage Technojolies, technofolies (paru en 1988…), il a diagnostiqué les dérives provoquées par les outils nomades, parlant à cette époque de "techni-chienschiens", ces cadres attachés à leur boîte par la laisse des portables... devenus ces dernières années des "cadrus interruptus", dérangés toutes les six minutes par des sollicitations numériques*.
Sujet intéressant puisque 3 études viennent de paraître sur le sujet en quelques mois :
- Le baromètre Cadremploi Ifop
- Une du groupe Randstad
- Une autre de l’Institut Ipsos
Elles soulignent "l'extrême porosité entre vie privée et vie professionnelle, tendance en partie due à la généralisation des équipements professionnels utilisables à distance", ces fameux "objets nomades"
"Ce blurring, ou confusion progressive des activités professionnelles et personnelles, est un phénomène mondial, décrit et reconnu dans toutes les sociétés explorées."
Concrètement, cette pratique consiste à rentre la frontière entre les activités / tâches personnelles et professionnelle si poreuse que vous allez réserver vos vacances et surfer sur des sites pour des intérêts personnels et le soir, le week-end, voire même en vacances vous allez continuer à répondre à des mails professionnels et à travailler sur des missions…. Ces occupations personnes et professionnelles se font partout avec les outils nomades : bureau, plage, train, avion, métro, tram, banc publique, restaurant, café….Vous vous reconnaissez ? Vous pratiquez donc le blurring !
Que disent ces études ?
Celle d’Ipsos met ainsi en lumière que les équipements professionnels ont permis à 85% des répondants d’améliorer leur organisation entre vie professionnelle et privée.
Si les conceptions de vie privée diffèrent selon les pays, les usages n’apparaissent pas vraiment différent.
Il existe désormais « une nouvelle génération de voyageurs d’affaires » qui négocient un « package lors de leur recrutement tenant désormais compte des équipements mobiles et de l’environnement de travail » dixit Dominique Lévy-Saragossi, directrice générale d’IPSOS.
Des perceptions différentes :
Chinois et Brésiliens euphoriques : Chinois et Brésiliens apparaissent comme les champions du blurring. Ils sont en effet respectivement 79% et 71% à posséder au moins un équipement professionnel à utiliser à distance contre 60% pour le reste des pays étudiés. Si la notion de vie privée est récente pour un pays d’inspiration confucianiste, c’est l’enthousiasme et l’espoir de progression sociale rapide qui guide les Brésiliens vers le blurring
Américains et Britanniques pragmatiques : Les Anglo-Saxons y voient moins une réelle progression de leur productivité qu’une nécessaire conformité à adopter
Français sur la défensive : ils ont une opinion très défavorable des équipements professionnels à utiliser à distance : 59% les jugent responsables de stress. Ils sont les moins bien équipés de l’échantillon et sont ceux pratiquant le moins le blurring illustrant un « présentéisme » français. Ils sont néanmoins 76% à estimer normal d’utiliser les outils professionnels à des fins personnelles et cela notamment parce que le travail impacte également leur vie privée….
Malgré l’accélération du blurring, les cadres français sont globalement satisfaits de l’équilibre entre leurs vies professionnelle et privée, même si des efforts sont attendus de la part des entreprises par exemple en matière de nouveaux modes d’organisation du travail.
Le baromètre Endered-Ipsos 2015
L’univers digital en question
Une large majorité des salariés européens (73%) se déclarent familiers avec le digital dans leur univers personnel.
La génération Y n’est plus la seule concernée : pour 67% des plus de 55 ans, l’usage du numérique est quotidien.
Les chiffres qui concernent les Français montrent un certain retard, avec respectivement 64% et 46%. 62% des salariés français estiment que leur employeur est au même niveau ou en retard en terme de nouveaux usages digitaux comparé aux entreprises du même secteur, un chiffre comparable à la moyenne européenne.
En Europe comme en France, les principales initiatives digitales déployées par les entreprises de plus de 100 salariés concernent avant tout :
- La gestion électronique des processus RH
- Le e-learning
- La mise en place d’un réseau social d’entreprises
- La virtualisation des espaces de travail
En revanche, les accords en faveur du télétravail ou les politiques de BYOD (Bring Your Own Device) restent minoritaires.
La motivation et le bien-être
Quel impact la digitalisation a-t-elle sur la motivation au travail ?
80% des salariés européens considèrent que le numérique a un impact positif (40%) ou neutre (40%) sur leur motivation.
Ce sentiment est légèrement moins prononcé en France, où 31% jugent son impact positif, et 45% neutre.
A noter que ces derniers chiffres sont généralement plus élevés parmi les managers – pour les français : 39% de positifs et 43% de neutres.
L’impact du digital sur l’équilibre de vie est jugé de façon significativement différente selon que l’on soit, ou non, manager.
Technologie et vie personnelle Impact positif Neutre Impact négatif
France 24% 44% 20%
France (managers) 27% 28% 39%
Concernant la génération Y, si elle accepte de communiquer des données personnelles, elle exige en retour qu’elles soient utilisées à bon escient à travers la personnalisation des services. «Les exigences d’instantanéité et d’ubiquité nourrissent la perméabilité des frontières privées et professionnelles. Les individus se construisent avec des données personnelles et professionnelles », rappelle Dominique Lévy-Saragossi.
La demande de ces cadres nomade concernant l’hôtellerie :
- une connectivité continue via plusieurs réseaux, assurer leur sécurité et faire progresser le débit. En effet, la multiplicité des devices engendre une démultiplication d’adresses IP à satisfaire.
- De plus en plus de voyageurs internationaux seraient enclins à interagir avec le système de l’hôtel : l’application « Unified expérience » aura pour charge de faire du smartphone une télécommande pour le room service, pour les équipements électroniques et d’offrir du contenu comme une banque de films.
- Des espaces modulables vont également être mis en place pour partager la sphère publique/privé.
- Le Designer Matthieu Lehanneur a été mis à contribution pour illustrer les nouveaux modes de réunion et le blurring à travers le thème Work’n Play
Alors le blurring : positif ou négatif ?
C’est comme le stress, la perception est différente et s’il y a le « bon » stress dit stress aigu ou le « mauvais » stress appelé le « stress chronique », il y a une gestion de son temps et des périodes de pauses réelles et déconnectées à garder afin de ne pas sombrer dans l’agitation mentale qui entraîne burn-out et autres maladies peu réjouissantes, voire donner la mort…
Méditer entre deux me semble une bonne idée, et faire de temps à autre des journées off, plutôt dans la nature, qu’elle soit mer, montagne, désert ou campagne, afin de se ressourcer et de continuer à travailler et vivre sa vie dans un rythme harmonieux qui correspond à chacun.
Et pour citer à nouveau ce cher Confucius, comme dans l’ouvrage - Je veux être heureux au travail (Eyrolles) : « choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie…. »
En effet, lorsque le travail a du sens, c’est un plaisir et les temps passent autrement que si c’est une corvée, n’est-il pas ?
* Source
Si vous vous intéressez à tous ces mots nouveau ou à leur nouvelle utilisation, je vous conseille vivement l'excellent "dictionnaire du nouveau français" d'Alexandre des Isnards
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