Le saviez-vous N° 115 ?
Qu’en est-il de l’expression religieuse dans l’entreprise ?
Force est de constater que c’est un sujet sensible - parfois même tabou - y compris pour toutes les entreprises qui ont conclu des accords sur la diversité !
Rappelons aussi que la France est un pays laïc (indépendante par rapport à toute autorité religieuse) et qu’il ne s’agit pas ici de stigmatiser une religion.
Toutes les confessions (l'appartenance à une religion) sont concernées : catholique, musulmane, juive, protestante, orthodoxe, bouddhiste, sikh….
Le fait religieux rend les managers perplexes, face à des salariés qui ne veulent pas toucher un plateau repas car il y a de l’alcool ou déjeuner avec des clients dans certains restaurants ou encore des salariés qui ne veulent pas répondre au téléphone un vendredi après 16H…
En cette période de ramadan, c’est un sujet d’actualité : pendant un mois, 70% des 6 millions de musulmans de France vont jeûner du lever au coucher du soleil.
Par ailleurs il n’est pas inutile de rappeler le principe fondamental de liberté d’opinion que nous appliquons en France : toute personne - et a fortiori tout salarié - à droit à la liberté de ses opinions : religieuses, politiques, syndicale…. De même que toute discrimination directe ou indirecte (à l’embauche et après) est interdite, les salariés doivent impérativement avoir une égalité de traitement et de rémunération !
D’ailleurs, la religion n’a rien à voir avec la compétence ou l’incompétence….
Quid de la liberté de religion ?
Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses convictions religieuses, néanmoins la liberté religieuse ne doit en aucun cas prévaloir sur le bon fonctionnement de l’entreprise !
Rappel de l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE : la liberté de religion implique :
- la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que
- la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites
Les limites de cette liberté sont que ce soit de la part de l’employeur ou d’un collaborateur :
- le prosélytisme*
- l’abus du droit d’expression
- les actes de pression ou d’agression à l’égard d’autres salariés
L’article 9-2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme retient explicitement des impératifs de sécurité ou de santé comme restrictions légitimes au droit de manifester ses convictions ou opinions.
Par exemple :
• concernant la sécurité : l’incompatibilité entre le port d’un signe et celui d’un équipement obligatoire de protection ou de risques accrus (chimique, mécanique…) par le port d’un signe
• concernant la santé ou l’hygiène sanitaire : l’employeur peut imposer le port de tenues spécifiques pouvant ne pas être compatibles avec le maintien de signes religieux ou politiques
Concernant la visite médicale obligatoire, par exemple, le salarié ne peut pas se soustraite à l’application des dispositions impératives, en clair, un salarié ne peut refuser d’y aller parce qu’un changement dans son organisation rend impossible ce RDV avec ses convictions religieuses, d’autant que l’on ne badine pas avec la sécurité, comme vous le savez !
Naturellement, cette liberté de religion s’exerce en tenant compte de la nature du poste et des fonctions exercées…
* prosélytisme : désigne le zèle déployé en vue de rallier des personnes à une doctrine.
Attention, porter un vêtement ou un insigne religieux ne constitue pas en soi un acte de prosélytisme !
Ainsi un salarié ne peut pas :
• faire du prosélytisme dans l’entreprise
• empêcher le bon fonctionnement de l’entreprise
• refuser de faire une tâche pour laquelle il a été recruté
• contrevenir aux règles d’hygiène, de sécurité et aux dispositions législatives de l’entreprise
Quelles sont les obligations de l’employeur ?
Il doit impérativement éviter toute forme de discrimination directe ou indirecte, qui est condamnée pénalement avec le risque d’avoir une peine de 3 ans de prison et une amende de 45 000 €…
Concernant le règlement intérieur, qui Il traduit le pouvoir de direction de l’employeur :
Une disposition de ce règlement intérieur limitant le droit de la religion est recevable à la condition seulement d’être justifiée par la nature du poste et les fonctions exercées par les collaborateurs et toujours proportionnée au but recherché ; une interdiction générale et absolue est interdite.
A titre d’exemple, a été censuré un règlement intérieur interdisant « les discussions politiques ou religieuses, et d’une manière générale, toute conversation étrangère au service » (1989) …. La Direction des relations du travail du Ministère du Travail a considéré (en 2004) que l’interdiction générale et absolue de tout signe religieux ou politique ostentatoire dans le règlement intérieur d’une entreprise ne répond pas aux exigences de l’article L.1121-1 du code du travail qui affirme « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »….
Relativement aux fêtes religieuses : les autorisations d’absences pour fête religieuse peuvent être refusées par l’employeur si la décision est totalement étrangère à toute forme de discrimination. Dans un cas de refus, l’employeur devra pouvoir prouver qu’il est justifié et proportionné,
- par l’organisation du travail dans l’entreprise et la nécessité avérée de la présence du salarié concerné à cette date
- par des impératifs liés à la bonne marche de l’entreprise (exemple d’une absence qui aurait empêché une livraison importante.
Que peut faire l’employeur pour concilier travail et religion ?
Sans discrimination par rapport aux autres salariés, il est souhaitable d’échanger avec vos collaborateurs concernés qui vous en parlent, qu’ils soient témoins de Jéhovah, juifs, musulmans, catholiques ou autre….
Quelques pistes :
• Penser à privilégier le dialogue et l’échange tout le temps
• aménager les horaires si possibles
o pendant le ramadan, commencer la journée plus tôt, travailler pendant la pause déjeuner et partir plus tôt en répartissant les tâches difficiles et physiques pour éviter un accident
o finir plus tôt pour shabbat (le vendredi) et tenir compte des jours fériés
• installer un espace de repos (qui peut servir aux prières)
• proposer des Titres-Restaurant si la cantine ne sert pas de repas casher ou prévoir des menus sans porc comme il existe des menus végétariens ou des menus lights
• demander aux catholiques s’ils veulent venir travailler le dimanche (sur la base du volontariat de toutes les façons)
• regarder les dates des fêtes religieuses avant de poser une date pour un évènement d’entreprise
• demander par anticipation les congés payés afin d’organiser le travail. Par exemple, EDF a mis sur son Intranet un calendrier répertoriant l’ensemble des fêtes religieuses.
« Se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres. » Simone de Beauvoir (1908-1986)
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