Que vont devenir les victimes actuelles et futures ???
Le Conseil constitutionnel a jugé la formulation de la loi sur le harcèlement sexuel trop floue, renvoyant au législateur la responsabilité de définir plus clairement les contours de ce délit.
L'article concerné : "Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende"...
Son abrogation "est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement", c'est-à-dire en cassation, précise-t-il.
Le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de l'article incriminé méconnaissaient "le principe de légalité des délits et des peines" et les a donc déclarées contraires à la Constitution.
L'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), s'était jointe à la procédure pour demander elle aussi l'abrogation de ce texte trop vague, mais de manière différée, afin d'éviter disait-elle un dangereux vide juridique.
Hélas, les Sages ont estimé qu'une application différée de l'abrogation aurait été contraire au principe de non rétroactivité de la loi pénale, donc depuis le 4 mai 2012, le délit de harcèlement sexuel est abrogé...
Un peu d'histoire...
Le délit de harcèlement sexuel avait été introduit dans le code pénal en 1992 et défini alors comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ».
La loi du 17 juillet 1998 a ajouté les « pressions graves » à la liste des actes au moyen des quels le harcèlement peut être commis.
La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a toutefois modifié cette définition pour élargir le champ de l'incrimination en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement peut être constitué ainsi qu'à la circonstance relative à l'abus d'autorité.
L'abrogation de l'article 222-33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date : le 4 mai 2012, c'est la suppression du délit de harcèlement sexuel !
Quels sont les recours possibles pour les victimes ?
Les victimes harcelées conservent la possibilité de se défendre dans la cadre des entreprises. Le harcèlement sexuel demeure définit et interdit par le Code du Travail. Et le fait de refuser des avances sexuelles ou de les dénoncer (pour soi-même ou autrui) ne peut pas être la cause d'une sanction disciplinaire ou d'un licenciement.
L'employeur a l'obligation de protéger les futures victimes et peut sanctionner les harceleurs, jusqu'au licenciement pour faute grave.
En dehors d'une relation de travail, une victime a également la possibilité d'engager une procédure devant une juridiction civile afin d'obtenir des dommages et intérêts. Les victimes peuvent poursuivre leurs harceleurs sur d'autres terrains.
L'abrogation de cette loi entraîne la suppression de toutes les actions pénales en cours et éteint l'ensemble des affaires en instance d'être jugées ou rejugées, en appel ou en cassation.
En revanche, "les procédures pour agression sexuelle et viol ne sont pas concernées par l'abrogation du délit de harcèlement sexuel, sauf si le parquet décide entre-temps de requalifier ce type d'infraction en harcèlement sexuel", explique Gwendoline Fizaine, juriste au sein de l'AVTF
Possibilité des victimes :
- d'agir sur le terrain prud'homal contre l'employeur- qu'il soit ou non l'auteur des faits. Le Code du travail interdit "les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers" (article L. 1153-1)
- texte pouvant être invoqué devant un tribunal civil ou le conseil des prud'hommes : la directive européenne de 2002 qui définit le harcèlement sexuel comme la "situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant".
Quant aux personnes condamnées actuellement en première instance, elles obtiendront immanquablement la relaxe devant la cour d'appel...
Lorsque le législateur interviendra dans 6 mois ou plus en recréant une nouvelle infraction avec une nouvelle définition, cette loi ne rétroagira pas, comme c'est le cas de toutes les lois qui créent de nouvelles infractions.
Donc, d'ici là, aucun "harceleur sexuel " ne pourra être inquiété à ce titre jusqu'à l'entrée en vigueur de cette future loi.
Le vide juridique instauré ainsi par les Sages sera lourd de conséquences pour toutes les futures victimes...
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